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La sécurité alimentaire des ménages pauvres et très pauvres des communes de Tin-Akoff, Nassoumbou et Koutougou à l’extrême nord du pays, fortement dégradée, est passée du Stress (Phase 2 de l’IPC) à Crise (Phase 3 de l’IPC). Ces ménages, dont les stocks céréaliers précocement épuisés depuis janvier, sont en outre confrontés à une forte baisse tendancielle des prix des animaux, leurs principales sources de revenu.
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La soudure pastorale, particulièrement rude dans l’extrême nord du pays, s’est intensifiée avec la raréfaction et l’éloignement du fourrage et des points d’eau pour l’abreuvement des animaux avec pour corollaire la forte dégradation de l’état physique du bétail conduisant à la dépréciation de leurs valeurs marchandes, et l’émergence de certaines maladies animales telle que de la fièvre aphteuse.
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Dans le reste du pays, la situation alimentaire des ménages est dans l’ensemble normale. La demande relativement stable des ménages et l’offre commerciale de céréales au-dessus de la moyenne, permettent une stabilité, voire par endroit, une baisse des prix aux consommateurs. La relance du gouvernement de l’opération de vente de maïs à prix subventionné permet de renforcer les disponibilités céréalières et améliorer l’accès des ménages à la nourriture.
Situation actuelle
La production nationale céréalière établie en octobre 2014 fait ressortir une situation globalement similaire à la moyenne quinquennale. Dans le nord du pays, les ménages très pauvres et pauvres qui ont eu de faibles récoltes en-dessous de la normale, sont confrontés à une soudure installée un mois plus tôt dès février. Cette soudure est encore plus dure dans les communes de Nassoumbou, Koutougou et Tin-Akoff, fortement affectées cette année par les attaques des oiseaux granivore et l’arrêt précoce des pluies. Dans ces communes les ménages ont épuisé leurs réserves alimentaires dès janvier et dépendent depuis lors des marchés pour l’achat de leur nourriture de base.
Pour la deuxième année consécutive, l’extrême nord du pays a été durement frappé par un important déficit fourrager qui a entrainé une intensification des départs en transhumance du cheptel deux mois à l’avance (décembre au lieu de février habituellement). Même les animaux restés sur place au sein des ménages rencontrent des difficultés d’alimentation à cause du coût élevé des aliments pour bétail vendus 20 à 30% plus chers que la moyenne quinquennale. En outre la rareté des eaux de surface pour la plupart déjà taris, conduit les éleveurs à intensifier l’abreuvement de leurs animaux à partir des puits et des forages, tâche très ardue qui occupe au quotidien une partie des actifs des ménages.
Sur les marchés, la disponibilité des denrées alimentaires est relativement bonne et les prix des céréales (mil et sorgho) aux consommateurs sont stables ou en baisse (12% pour le maïs) comparés à la moyenne quinquennale. L’approvisionnement des marchés est assuré principalement par les commerçants. Toutefois, dans les zones excédentaires à l’ouest du pays, le potentiel d’offre en particulier du maïs existe auprès des grands producteurs qui font de la rétention de stocks à cause des prix qu’ils jugent encore bas. Par ailleurs, la production de sésame qui a suscité beaucoup d’engouement auprès des ménages dont certains attendent toujours des revenus meilleurs de la vente avant de procéder à l’achat de céréales.
Les revenus des ménages pauvres proviennent principalement de la vente de leurs animaux, de l’orpaillage, de la vente de produits forestiers non ligneux. En ce qui concerne le revenu tiré de la vente des animaux, les ménages sont amenés à vendre plus de tête afin de compenser les prix relativement bas du bétail ce qui a occasionné des offres de bétail, notamment dans la région du Sahel, plus importantes par rapport à la moyenne quinquennale (%) et des prix relativement bas par rapport à la même période du fait du mauvais embonpoint des animaux. En ce qui concerne les revenus tirés de l’orpaillage, certains ménages ont pu anticiper la pratique de l’orpaillage juste aussitôt après les récoltes, mais malheureusement sont confrontés à des prix d’achat du gramme d’or 10 à 20% inférieur au prix moyens observés sur les cinq dernières années (de 20.000 à 22.500 FCFA contre le prix moyen de 25.000 FCFA entre 2010 et 2014). Quant à la vente des produits forestiers tels que les amendes de karité, les grains de néré, etc., les revenus tirés de cette activité sont jugés normaux à supérieur à la normale du fait des prix d’achat en hausse en moyenne de 50 à 75%, comparés à la moyenne quinquennale.
Le pays compte à nos jours 32 000 réfugiés maliens, dont plus de 90% sont présents dans la région du Sahel. Ces réfugiés bénéficient de l’assistance du Haut-Commissariat aux réfugiés et ses partenaires.
Le centre et l’ouest du pays sont confrontés à l’épidémie de grippe aviaire qui menace négativement l’activité de commercialisation de la volaille. Déjà, le principal pays d’exportation qui est la Côte d’Ivoire a pris des mesures pour interdire toute entrée de volaille sur son territoire. La propagation de cette maladie dans le pays pourrait entrainer des pertes de revenu considérables, surtout pour les ménages pauvres en milieu rural et des pertes d’emploi et de revenu en milieu urbain.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire décrit d’avril à septembre 2015, se fonde sur les hypothèses générales suivantes :
- Une installation normale de la saison: L’effet El Nino restera minime sur l’installation et la répartition spatio-temporelle des pluies. Par conséquent, la campagne agricole débutera normalement de mai à juin du sud au nord et les cumuls pluviométriques et la distribution devraient être proches de la moyenne.
- Un approvisionnement normal des marchés : En raison des productions agricoles moyennes, des stocks commerçants au-dessus de la moyenne et du niveau de reconstitution adéquat des stocks institutionnels, la disponibilité alimentaire restera satisfaisante sur les marchés durant toute la période, sauf pour les localités habituellement enclavées par les eaux pendant les pluies.
- Des niveaux de prix moyens pour les céréales: Avec des niveaux de prix et une demande globalement stables depuis les dernières récoltes de novembre, des stocks commerçants fournis et une installation normale des pluies, l’évolution des prix des céréales de base suivra la tendance saisonnière normale avec des niveaux autour de la moyenne quinquennale.
- Des prix du bétail en-dessous de la moyenne: Les effets cumulés de la dégradation de l’embonpoint des animaux, des stratégies de déstockage du bétail du fait de la soudure pastorale et des difficultés alimentaires dans les ménages, la réduction de la demande externes vers le Nigeria à cause du conflit de « Boko haram » et vers le Ghana frappé par la dépréciation de sa monnaie, les prix des animaux seront en-dessous de la moyenne, nonobstant les améliorations qui seront constatés à l’approches des fêtes de Ramadan et de Tabaski.
- Des revenus moyens à supérieurs à la moyenne: Avec l’installation et la distribution normale des pluies, les opérations culturales se dérouleront aussi normalement. Associée à une soudure normale, l’offre et la demande de main-d’œuvre agricole resteront stables. La mise à marché des stocks volontairement retenus de sésame et la vente des produits forestiers non ligneux assureront aux ménages des revenus moyens ou au-dessus de la moyenne en raison des niveaux de prix favorables.
Résultat le plus probable de la sécurité alimentaire
Excepté dans l’extrême nord du pays, la soudure restera normale pour la plupart des ménages très pauvres et pauvres car les revenus moyens ou au-dessus de la moyenne et la stabilité des prix favoriseront leur accès aux denrées de base sur les marchés. Avec l’installation normale de la saison, les produits de cueillette, le lait et les récoltes en verts du maïs et de l’arachide seront disponibles comme habituellement. Dans l’ensemble, les ménages très pauvres et pauvres pourront avoir une consommation normale tout en assurant la protection des moyens d’existence et vivront une insécurité alimentaire aiguë Minimale (IPC Phase 1) pendant toute la période du scenario.
Zone de moyens d'existence Nord élevage transhumant et mil (Zone 8)
Située dans l’extrême nord du pays, le long de la frontière avec le Mali et le Niger, les ménages pauvres et très pauvres dans cette zone représentent environ 60 pour cent des ménages. Leurs moyens d’existence sont basés principalement sur la production du mil et la pratique de l’élevage transhumant avec une production agricole couvrant à peine trois à cinq mois de consommation en année normale. Les revenus proviennent essentiellement de la vente d’animaux.
Situation actuelle
La soudure pastorale a commencé précocement dans la zone dès le mois de février du fait du déficit fourrager enregistré et des difficultés d'abreuvement du bétail avec la raréfaction des points d'eau. Malgré les départs précoces en transhumance et plus intenses que habituellement, le recours aux aliments pour bétail sur les marchés est indispensable pour nourrir les animaux restés sur place. Les prix de ces aliments sont 20 à 30% supérieurs à la moyenne quinquennale. Du fait de leur embonpoint en-dessous de la normale, les animaux, en particulier les petits ruminants sont en dessous de la moyenne quinquennale de 15 à 30 pour cent.
Les récoltes des ménages très pauvres et pauvres sont épuisées et ceux-ci dépendent désormais du marché pour leur alimentation. Dans les communes de Tin-Akoff, Nassoumbou et Koutougou, les récoltes sont épuisées un peu plus tôt depuis le mois de janvier du fait des pertes causées par les oiseaux granivores ou de la mauvaise distribution des pluies. En conséquence, la réduction de la quantité et de la qualité des repas journaliers est une pratique courante dans les ménages. Pourtant, sur le marché de Gorom-Gorom, principale marché de la zone, le prix du mil est similaire à la moyenne quinquennale, et pour cause, la majorité des ménages ont recours au maïs vendu à prix subventionné (120 F CFA le Kg) bien qu’il ne soit pas de leur préférence. La faiblesse des revenus ne permet pas aux ménages de constituer des stocks de mil dont le prix (237 F CFA le Kg) est environ deux fois plus élevé que celui du maïs. Les marchés sont régulièrement approvisionnés par les commerçants en provenance des villes de Pouytenga et de Ouagadougou.
La vente du bétail, notamment les petits ruminants, constitue la principale source de revenu des ménages, mais les prix de ces animaux ont chuté entre 10 et 30% par rapport à la moyenne quinquennale. Les offres ont accru de près de 35% comparé à la moyenne quinquennale.
Les départs en exode vers les centres urbains et les pays côtiers se sont accentués dès la fin des récoltes. Le recours aux transferts d'argent des migrants, fait vivre plus de 10% des ménages. De même, le recours à l’orpaillage a aussi gagné en intensité dans un contexte de prix de l’or autour de la moyenne quinquennale (entre 20000 et 22500 FCFA le gramme). Cette activité fait vivre au moins 20% des ménages.
Plus de 8000 réfugiés maliens sont présents hors camp dans la zone, mais ces derniers bénéficient de l’assistance du Haut- Commissariat aux Réfugiés et de ses partenaires.
Du fait de la dégradation de leur consommation et des moyens d’existence, de la faiblesse des revenus ne permettant pas les ménages pauvres à satisfaire leurs besoins alimentaires, les ménages très pauvres et pauvres des communes de Tin-Akoff, de Nassoumbou et de Koutougou sont en Crise (Phase 3 de l’IPC). Dans les autres communes de la zone, la majorité des ménages pauvres vivent une insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC).
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire décrit d’avril à septembre 2015 se base sur les hypothèses suivantes:
- Une soudure pastorale plus difficile : Le bétail connaitra pour la deuxième année consécutive une soudure plus difficile à cause du déficit fourrager plus prononcé et aussi du tarissement des points d’eau. Par conséquent, le recours aux aliments pour bétail (SPAI) sur les marchés sera plus important. Les prix déjà au-dessus de la moyenne demeureront hauts jusqu'en juillet, ce qui contribuera à fragiliser le pouvoir d'achat des ménages.
- Une installation normale de la saison : Une installation normale de la campagne agropastorale, favorisera un retour des transhumants en juillet comme habituellement et aussi un retour des migrants en juin pour les activités agricoles.
- Un approvisionnement satisfaisant des marchés : Les marchés resteront bien approvisionnés en denrées de base à partir des zones de production de l'ouest du pays et des grands centres de regroupement de céréales (Ouagadougou et Pouytenga).
- Des revenus stables pour l’orpaillage : L'intensification de l'orpaillage permettra de compenser le manque à gagner par la baisse des prix et de gérer des revenus similaires à la moyenne.
- Une baisse du revenu de la vente d’animaux: Les prix des animaux resteront 15 à 30% en-dessous de la moyenne jusqu'en aout du fait de leur mauvais embonpoint et de la hausse de l'offre sur les marchés. Néanmoins à partir de septembre les niveaux de prix pourront s'améliorer pour atteindre les niveaux moyens avec la hausse de la demande pour la fête de la Tabaski et l’amélioration de l’état physique des animaux.
- Des prix de céréales de base stables : Malgré la hausse de la demande sur les marchés, les prix des céréales de base resteront similaires à la moyenne quinquennale du fait de l'offre plus importante et aussi du recours des recours des ménages au maïs vendu à prix subvention. Le gouvernement envisage de rapprocher davantage les points de vente aux populations de la zone.
- Des transferts plus importants : Avec plus de départs en exode et en migration, on suppose que les transferts dans les ménages seront plus importants que d'habitude. Par ailleurs le développent des systèmes de paiement (par téléphonie mobile) facilite les transferts.
- Dégradation de la situation nutritionnelle : En raison de la baisse de la consommation alimentaire dans les ménages, l'état nutritionnel des enfants de moins de cinq ans pourrait se dégrader et aggraver les taux de malnutrition aigüe déjà au-dessus du seuil d'alerte.
Résultat le plus probable de la sécurité alimentaire
Les ménages vont nécessairement poursuivre la réduction des quantités et de la qualité des repas consommés. Leurs avoirs seront fragilisés par la baisse des revenus de la vente du bétail. Dans les communes de Tin-Akoff, de Nassoumbou et de Koutougou, en particulier, les ménages seront obligés de développer des stratégies de vie irréversibles en vendant plus d’animaux pour acheter de la nourriture. La soudure pastorale pourrait entrainer plus de mortalités d’animaux que d’habitude. La dégradation de la consommation alimentaire des ménages va affecter négativement l’état nutritionnel, surtout pour les enfants de moins de cinq et les femmes enceintes ou allaitantes.
De ce fait, les ménages très pauvres et pauvres des communes de Tin-Akoff, de Nassoumbou et de Koutougou, seront en Crise (Phase 3 de l’IPC) jusqu’en septembre. Ceux des autres communes de la zone ainsi que de la zone de moyens d’existence 7 feront face à une insécurité alimentaire aigue de Stress (Phase 2 de l’IPC) pendant la période.
En absence de choc majeure sur les moyens d’existence, ces phases ne s’aggraveront pas car avec l’installation normale de la saison et la régénération des pâturages, les ménages auront recours aux produits de cueillette et amélioreront leur consommation en lait. Ils pourront aussi profiter de l’amélioration des prix des animaux à l’approche des fêtes de Ramadan et de Tabaski pour atténuer la détérioration des termes de l’échange bétail/céréales.
Zone | Événement | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
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National | Propagation de l’épidémie de grippe aviaire | l’épidémie de grippe aviaire touche quatre régions sur treize et le nombre de foyers déclarés est passé de cinq en début mars à 19 en mi-avril. Ainsi, son extension aux autres régions du pays, pourrait entrainer des pertes de revenu pour les ménages surtout les très pauvres et pauvres et limiter leur accès aux marchés. |
ZOME 8 | Distribution gratuite de vivres | La distribution gratuite et ciblée de vivres au profit des ménages très pauvres et pauvres dans les communes de Tin-Akoff, de Nassoumbou et de Koutougou, permettra d'éviter une crise alimentaire dans ces localités; |
Démarrage tardif de la saison | un démarrage tardif de la saison des pluies dans la zone, va prolonger les difficultés alimentaires du bétail et augmenter les cas de mortalités. Par ailleurs, cela va contribuer à dégrader davantage les termes de l'échange bétail/céréales par la perte de valeur marchande des animaux et les spéculations développées par les commerçants sur les prix des céréales. |
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.